Enregistré en 2014 au dEN studio à Novara, Flawless Dust illustre avec bonheur la musique du guitariste Garrison Fewell avant sa disparition subite l’année dernière. En compagnie du saxophoniste soprano italien Gianni Mimmo, un exégète de la cause lacyenne, il tisse un réseau d’accords, d’intervalles, de dissonances fugaces en en calibrant les variations comme un véritable orfèvre. Un jeu racé à la six cordes électrique qui se contente d’être légèrement amplifiée tant s’exhale de son toucher sensible autant de musicalité que par son choix instantané et minutieux de chacune de ses notes. On dira même que la qualité de son toucher est au centre de sa musique Le souffle de Mimmo rappelle inévitablement celui de son maître, Steve Lacy, même s’il cultive une véritable personnalité au travers de cet héritage comme le prouve amplement cet enregistrement. Sans doute, un de ses enregistrements les plus significatifs : il s’y laisse aller dans la vibration du son. Les neuf pièces improvisées parsèment leur poésie au travers des idées musicales développées avec soin. A noter une subtile préparation de la guitare dans A Floating Caravan. Aucune précipitation, on prend le temps de jouer : la musique respire et il faut attendre Other Chat ou Grainy Fabric , les deux derniers morceaux pour que la voix du saxophoniste devienne tranchante et son débit empressé. Donc il s’agit pour moi d’un excellent album réalisé par des improvisateurs solides, sensibles et très expérimentés. A écouter en soirée au bord de la terrasse ou au coin du feu selon les saisons pour se relaxer sans se poser de question existentielle sur la motivation artistique : quand on tient de tels musiciens à portée de lecteur CD, il ne nous reste plus qu’à se laisser porter par la musique tout en flottements apaisés. Si je n’avais pas autant d’enregistrements sur ma table d’écoute, je les remettrai quelques soirs de suite. Dehors, le soleil s’enfonce en rougeoyant dans la brume…
Jean-Michel Van Schouwburg