Image très floue sur la pochette (peinture ??), enregistrement à Vancouver en 1999, nom de groupe improbable. Les titres : Subterranean Streams of Consciousness, Shadows of the Night. Un moto dans le texte de pochette : My Roots are in my record player. Ne vous fiez pas aux apparences, William Parker joue ici avec deux grands du jazz libre européen en apportant toutes les couleurs requises (flûtes, guimbri) : le batteur Tiziano Tononi auteur de la longue suite de 42 minutes de Streams et de Shadows et son acolyte de toujours, le saxophoniste Daniele Cavallanti. Superbe, épique, intense et du point de vue du saxophone ténor, de haute volée. Quant au sax baryton, c’est vraiment du solide ! William Parker a souvent joué avec les regrettés Glenn Spearman, David S Ware et Fred Anderson, sans oublier Edward Kidd Jordan. Cavallanti tient la comparaison à son avantage : son abattage et l’articulation de son jeu s’imposent naturellement. L’enregistrement n’est sans soute pas idéal, mais la qualité de la musique jouée est indubitable. Quand Tononi empoigne ses congas, on entend assez clairement la basse de Parker vrombir et tressauter d’aise dans ses grands écarts africains. Il y a une réelle dimension africaine et caraïbe dans leur musique libérée des carcans du jazz de festival bien-comme-il faut. Une authentique célébration du rythme et de la frénésie de la musique afro-américaine des Coltrane, Blackwell, Cherry. Des types avec un tel métier pourraient se contenter de faire du jazz rondouillard pour magazine cucul et sillonner tous les festivals bien-pensants. Ils ont choisi une voie authentique, engagée et difficile (tenir la scène avec un morceau de quarante minutes !) dans une musique mouvante qui se réfère à la Great Black Music militante. Et qui se teinte d’orientalisme dans la deuxième partie (Shadows of the Night, 33 :31) avec le ney de William Parker (ou Cavallanti) et le tabla de Tononi pour retrouver ensuite des accents africains inédits. Malgré la durée en dizaines de minutes, le temps passe très agréablement. C’est un peu dommage que le son de l’enregistrement n’est pas tout à fait à la hauteur, surtout pour pouvoir goûter l’interaction batterie et basse, mais suffisant pour que le plaisir de la découverte reste intact. Cavallanti évoque un penchant rollinsien avec une puissance et un mordant qui ne trompent pas. Et finit par évoquer Albert Ayler le plus simplement du monde dans l’esprit de la fameuse suite de Don Cherry. C’est dire ! Remarquable !!
Jean Michel Van Schouwburg